Sentir, ne pas sentir, quelle est la différence après tout ?
C’est vrai, elle avait vécu des années sans même se poser la question, sans penser qu’un jour elle désirerait avoir ses propres sentiments.
Avant elle avait tous ce qu’on pouvait demander : un travail, une famille, des amis, des conseils…
Aujourd’hui, elle n’avait plus rien de tout ça, ni proches, ni connaissances, ni conseils, plus rien…
Juste ses pieds, pour arpenter sans cesse et sans but ce monde qu’elle découvrait en peu plus à chaque seconde. Depuis combien de temps marchait-elle ? Une heure ? Deux ? Le temps passait si vite…
Elle était d’abord arrivée dans une impasse sombre, puis sur une avenue avec un paquet de stands, plus inintéressants les uns que les autres, qui, au fil des pas, s’étaient changés en tas de gravats et autres débris du genre minéral. Le ciel avait viré du bleu pâle au bleu usé, comme un vieux jean humain après 6 ans de bons et loyaux services, et les seules lumières encore perceptibles étaient à présent celles des rares lampadaires que l’on distinguait au loin.
L’air fraichissait en crescendo, comme dirait quelque musicien, et Aglaé ne sentait plus ses doigts à tel point ils étaient froids. Il fallait s’arrêter, trouver un endroit pour dormir, qu’importe le lieu, bientôt, et elle le savait, elle s’effondrerait, épuisée, sur le sol glacial.
Elle cherchait, oh oui elle cherchait sans fin un petit rocher sur lequel poser sa petite afin de dormir, car l’heure n’était plus au petit refuge, sans doute trop loin s’il existait. Enfin, à un stade avancé de la nuit, elle se coucha, seule, dans un petit coin. Elle ne mit pas longtemps à trouver le sommeil, pas plus de… 5 minutes ?
A peine le jour levé, elle s’en alla, après tout, ce caillou n’avait aucune valeur émotionnelle à ses yeux, vu que les émotions figuraient aux abonnés absents chez Aglaé.
Elle marcha, marcha encore… tournait-elle en rond ? Possible… après tout, ce n’était pas grave…
« Crotte de sèvre à la menthe périmée agrémentée de sa soupe de merde ! Où est ma fichue pièce ! »
Un homme, ou une femme vu sa chevelure, non un homme, à l’allure étrange gesticulait dans tous les sens à la recherche de sa pièce.
« Tiens, pensa Aglaé, je ne me rappelle pas avoir déjà vu de tels personnages au XXIème siècle… peut-être est-il plus vieux ? Du XIXème siècle ? »
Elle allait s’éclipsait, laissant là le curieux personnage avec sa pièce, lorsqu’il la remarqua.
« C’est qui qui est là ? »
Il l’avait vue, que pouvait-elle faire ? Partir comme s’il n’avait rien dit ? Répondre ? Oui, après tout pourquoi pas… elle était aussi pour socialiser…
« A vrai dire je ne me rappelle pas si les gens étaient si excentriques et fous au XIXème siècle… lâcha-t-elle, mais peut-être est-ce simplement trop loin ? »