Le froid. Je ne sentais que ça. le noir. Je ne voyais que ça. des images me revenaient en tête. Je me voyais dehors, devant un magasin. J'en sortis, un sac rempli d'argent et de vêtements. L'alarme ne sonnait pas, puisque j'avais pu neutraliser le vendeur à temps. C'était assez étrange, de voir quelqu'un travailler à Noel, mais bon, il ne devait surement avoir personne avec qui fêter. Je voulais acheter un cadeau à Émily, mais j'allais devoir attendre après quelques semaines pour que les magasins rouvrent. D'autre souvenir me revenait en tête, mais... Elle commençait a devenir plus flou.

Je me souviens ensuite de coup de feu. Et d'une douleur atroce. Au dos, a la gorge, a la poitrine et finalement a la tête. Et ensuite, le froid ainsi que le noir, dans lequel j'étais plongé. Étais-je mort ? Oui, surement... Mon seul regret était de ne pas avoir pu acheter à Émily la poupée qu'elle voulait tant. Elle avait beau être froide et dure envers tout le monde, ce n'était qu'une petite fille qui avait peur du monde. Peur d'être toute seule. D'autres images défilèrent, mais ont un rythme frénétique. D'Émily qui pleurait sur ma tombe, de mes parents s'étreignant de toute leur force et des sourires narquois sur les hommes blancs. Ces sourires, je les haïssais.

Je me réveillais soudainement sur ce qui semblait être de l'herbe, aveuglé par une lumière dans le ciel bleu. Je me relevais, difficilement et après m'être assuré que mes yeux sont maintenant habitués à la lumière, je les rouvris. J'étais dans ce qui semble être au beau milieu d'une plaine. Génial, et ou j'étais maintenant ? Au paradis ? Si c'était ça, ça allait devenir chien...

-Hey ho, il y a quelqu'un ici ?!? Hurlais-je, espérant toutefois qu'une réponse allait me parvenir...

Ça doit faire une petite heure que je me suis réveillé... "Réveillé" ? Est-ce vraiment le terme ? Pourtant tout ceci n'était pas un rêve, ni même un cauchemar. Je peux presque sentir la présence de Cécile, tout comme je peux encore sentir les deux balles qui ont mis fin à mon bonheur...

C'est bien ça, je suis mort. Ça doit faire une petite heure que je suis allongé par terre, dans la même position que cette nuit là, repensant sans cesse à mes derniers instants. Je peux me relever, j'en ai de nouveau la force, enfin je pense. Mais pour faire quoi ? Peut-être tuer une deuxième fois cette enflure ? Ça me semble être un bon plan, ouais.

Mais malgré ma détermination, je ne peux pas m'empêcher d'être triste. Ce que je voulais, ce n'était pas qu'elle vive, mais que NOUS vivions, ensemble. Ce que je ne veux pas, c'est la voir ici, en fait, c'est même ma plus grande crainte. J'espère la connaître assez pour savoir qu'elle ne chercherait pas à me rejoindre, elle ne sait même pas que cet endroit existe...

Je pensais être seul sur cette plaine, pourtant il me semble avoir entendu quelqu'un crier. L'herbe qui m'entoure ne me permettant pas de voir très loin, je me lève et vois un type au loin. Pas un ange en tout cas, et je préfère, j'avais vraiment pas envie de me retrouver dans un "paradis" bien chrétien avec des plumes, des auréoles, des structures grecques et des nuages en guise de moquette... Bref, j'avançais vers le gars, une main dans la poche de mon manteau, l'autre en l'air, la secouant légèrement pour lui faire signe que je l'ai remarqué.

Une fois près de lui, plutôt que de le saluer et me présenter amicalement, je le dévisage d'un air menaçant, mais à travers sa capuche et son masque, je peux pas voir grand chose si ce n'est qu'il parait plus jeune que moi. Ce n'est clairement pas mon tueur, mais son apparence de petit voyou me donne envie de me défouler. Dommage que je n'aie pas de raison valable...

Je suis pas d'humeur à causer, mais ça servirait à rien de l'ignorer alors qu'il n'y a rien d'autre que nous deux ici.
- Moi c'est Naren, et avant que tu ne me poses la question : oui je suis mort. Je suppose que c'est aussi le cas pour toi ?
J'ai pas envie de taper la discute au milieu de nulle part pendant deux heures, donc au lieu de me présenter gentiment, je préfère aller droit au but.

Bordel, cette plaine était sans fin et vide ? Parce que franchement, j'allais m'ennuyer a mort... Enfin, façon de parler, quoi ! Alors que j'allais partir, je vis quelqu'un au loin me faire un signe de la main, surement pour me signaler qu'il m'avait entendu. Il s'approchait de moi et je put enfin le voir. Il était plutôt grand, prés de ma taille environ, et avait l'air assez musclé. Cet homme portait des piercings aux oreilles. Sérieusement, à quoi ça servait de mettre des bouts de métaux dans les lobes de l'oreille ? Je ne voyais vraiment pas a quoi ça pouvait servir, hormis paraître un peu idiot. Il avait aussi des cheveux blonds, longs qui descendaient jusqu'à la nuque. Des sourcils de la même couleur que sa crinière et vu la position de ceux-ci, il ne semblait pas vraiment de bonne humeur et ses yeux rouges n'arrangeaient en rien son apparence intimidante. Sauf que moi, je ne le trouvais pas intimidant. C'est un petit joueur comparé à ceux de mon village. Il se présentait enfin, sous le nom de Naren et continua en me disant, qu'avant que je pose la question, qu'il était mort.

-Oui, moi aussi, je suis mort. Répondis-je d'une voix vide d'émotion, un peu froide d'ailleurs.

Je tournais ma tête de tous les côtés, examinant les lieux.

-Mon nom a moi est Kristopher. Mais appelle moi Krister, si tu veux.

Les présentations faites, je reportais enfin mon regard sur Naren.

-Bon, on fait quoi là ? On reste ici à causer jusqu’à ce qu'un ange arrive nous guider où on va explorer un peu les lieux ? Dis-je d'une voix sarcastique. Parce que moi, j'ai pas trop envie de rester ici, surtout dans un endroit que je connais pas...

Merci  de regarder la vérité en face ! Moi qui pensais que j'allais tomber sur un abruti persuadé d'être encore vivant... Je l'ai sous-estimé. Mais il a quand même pas l'air très futé... Faut dire que porter une capuche par ce temps, ça lui fait vraiment une tête à claques...

La réponse à sa question est évidente, enfin pour moi en tout cas. Peut-être que cette plaine n'a tout simplement pas de limite, après tout nous sommes "vivants" alors que nous sommes sensés être morts, on se croirait dans une fiction... Mais avec ou sans limite, je suis persuadé que nous ne sommes pas seuls, et j'ai clairement pas envie de passer l'éternité avec ce truc.

J'ai très envie de me foutre de lui en guise de réponse, ça me détendra peut-être.

- Bien sûr qu'on reste ici. Et pourquoi n'enlèverais-tu pas ton déguisement pour profiter un peu du soleil ? Les filles adorent les bronzés !

Après cette petite provocation, je lève les yeux au ciel en soupirant et en secouant légèrement la tête pour bien lui faire comprendre que je me fout de lui.

- Libre à toi de me suivre, c'est pas en restant plantés au milieu de nulle part qu'on trouvera autre chose que de l'herbe... À moins que l'herbe soit ton kiff ?

Là-dessus, je me tourne dans une direction un peu aléatoire et commence à marcher, avec pour seul point de repère mon instinct. Et pour pas trop se faire chier en chemin, je lance un sujet de conversation, peut-être le plus banal pour des morts mais bon...

- Au fait Kid, tu m'as pas l'air d'être des plus réglos, honnêtement. T'es mort comment ?

Il me répondit d'une voix sarcastique que bien sûr, on devrait rester ici. Et que, tant qu'à y être, je devrais enlever mon petit déguisement pour montrer mon bronzage. Je ricanais légèrement à sa remarque.

-Ouais, restons ici ! Rétorquais-je d'un ton aussi sarcastique que Naren. Allons-nous promener main dans la main dans cette plaine, telle des pisseuses de 9 ans avec des robes et des jolies petites chaussures et en chantant comme des folles, tu veut ? Allez, tous ensemble !

Je soupirais comme Naren.

-Non, je ne retirerais pas mon petit 'déguisement'. Et puis, ma peau est tellement pale, on dirait que je suis Blanche-Neige, tu sais ?

Il me dit qu'il me permettait de le suivre, disant que ce n'est pas en restant assis qu'on va trouver un endroit ou quelqu'un sauf si j'aimais bien l'herbe.

-Bien sûr que j'aime l'herbe ! Toute ma vie avant ma mort, mon village était entourer que de ça! Du gazon, des fleurs, des arbres ! Rétorquais-je encore.

Il choisit une direction au hasard et je me mis à le suivre, au même rythme que lui. Après quelques instants, il me demanda comment j'étais mort, vu ma tenue pas très réglo. Il me trouverait encore moins réglo s'il voyait mon visage...

-Abattue par balle. Dis-je froidement. Dos, gorge, poitrine, tête, dans cet ordre-la. Et toi ?

Criblé de balle alors... Pourquoi ça ne me surprend pas plus que ça ? Enfin ça me donne pas la raison de sa mort mais bon, vu son apparence il a dû être abattu soit par des flics, soit dans une guerre de gangs ou quelque chose comme ça.

- Je suis mort en protégeant quelqu'un... Une flic. Je n'aurai pas précisé cette dernière partie à n'importe qui, c'est juste pour voir s'il y réagit un peu. Enfin, peu importe...

J'insiste pas plus, ça a pas l'air d'être un grand causeur... J'ai la vague impression qu'on risque de se faire chier.

Je ne sais pas depuis combien de temps on marche, mais le soleil descend petit à petit et je commence à avoir un peu faim, je pensais pas vraiment avoir à m'occuper de ça après ma mort...
Sans avertir Kristopher, je dévie un peu ma trajectoire pour prendre un peu de hauteur, bien que cette plaine soit plutôt plate, il reste certains endroits un peu plus élevés.
En regardant les alentours, j'aperçois comme une maison, c'est plutôt loin mais je ne vois que ça. On y trouvera peut-être quelqu'un, ça vaut le coup d'y faire un tour.

J'appelle l'autre en lui faisant signe de venir, même si après tout rien ne l'empêche de continuer son chemin. Moi en tout cas, je tente ma chance et je m'y dirige sans l'attendre plus longtemps.

Il répondit à ma question, disant qu'il était mort en protégeant une policière. Il est mort en voulant protéger quelqu'un... Comme moi, en quelque sorte. Moi aussi, je voulais protéger quelqu'un, mais... Le grand con que je suis est mort en imbécile, encerclé par la police blanche. Je me souviens à peine des douleurs fulgurantes qui avaient parcouru mon corps, a ce moment-là.

Je ne réagis point, gardant mon air impassible. Depuis longtemps, on marchait et marchait tandis que le soleil chutait pour laisser place à la nuit. Je commençais à avoir faim et Naren devait aussi avoir faim. Sans m'avertir, il déviait de sa trajectoire pour prendre de la hauteur, sans doute pour examiner les lieux. Et il semblait avoir trouvé quelque chose, en effet. Il me fit donc signe de venir, ce que je fis, et le suivais. J'observais la maison, un peu plus loin, illuminer par de petites lumières.

-Putain... On dirait une maison des films d'horreur. Et comme des cons, nous allons nous diriger la-dedans.

Je restais silencieux un moment.

-Qui sait ? Peut-être qu'il y a un bon tueur là-dedans qui va nous offrir le toit au lieu de nous trucider ?

Je bâillai un peu.

-Je suis fatigué... Espérons que les personnes qui habitent cette maison voudront bien nous laisser dormir sous leur toit. Je ne tiens pas vraiment à dormir à la belle étoile.